Lectures autour du vin

Théorie de la bulle carrée, petit bijou de livre, écrit par Sébastien Lapaque. Il nous amène à la rencontre de Anselme Sélosse, ce grand vigneron champenois. Respect du terroir, refus des dogmes, recherche de l'excellence, remise en cause perpétuelle, sont les clefs de succès de ce vigneron emblématique. Livre de chevet indispensable pour tout vigneron soucieux de signer des vins de terroir. Un livre qu'il nous faudra relire.

Texte de Henri Jayer, cité par François Morel dans Le vin au naturel.

Une récolte en cave, une récolte sur pied avec l'argent nécessaire jusqu'aux vendanges er une année d'épargne. Conseils au vigneron en 1950. On pourrait écrire la même chose, mais la multiplication des incidents climatiques rend même cette recommandation insuffisante. Il est également impératif aujourd'hui de valoriser son vin, de le vendre en bouteilles. Rare sont de toute façon aujourd'hui les propriétés qui ont la chance de disposer de ces trois années de réserve. On ne peut que souhaiter une absence d'incident majeur pour ce millésime 2020 !

1950 : pessimisme et optimisme du viticulteur... La gestion de l'alea climatique reste encore et toujours au coeur des préoccupations.

François Morel, rédacteur en chef de la revue Le rouge et le blanc, nous présente l’écosystème des vins naturels. Cela commence forcément par un rappel sur l’histoire du vin au 20eme siècle avec les abus et crises à répétition qui ont amené à la création de l’AOC. Là où l’AOC originel devait être le garant d’une typicité contre les abus de certains, elle a peu à peu dérivé pour devenir un cadre servant à défendre des vins dans la norme, sans vices mais sans vertus non plus. Des vignerons dans les années 70 puis 80, suivant les traces de Jules Chauvet et de Marcel Lapierre, ont voulu revenir à un vin sans artifices, proche du terroir, élaboré grâce un sol vivant. L’ouvrage présente également les chartes des différents labels et associations, ainsi que des interviews des vignerons qui ont contribué au mouvement des vins naturels. A lire absolument pour qui veut mieux comprendre les enjeux autour de cette lame de fond qui secoue le monde du vin.

Cette recommandation qui peut paraître étrange aujourd'hui, figure dans 'Le vigneron d'aujourd'hui', manuel pour le vigneron de Raymond Carles, atour de 1950. On est en plein dans l'après guerre, il faut produire toujours plus. Les pesticides de synthèse ne sont pas encore là, à cette époque.

Je viens de terminer ce week-end, la lecture de 'Les goûts et couleurs du monde' de Marc-André Sélosse. Un voyage passionnant dans l'univers de cette famille de molécules, qui joue un rôle essentiel dans le vivant. Si le tannin joue un rôle essentiel dans le vin, par ses vertus antiseptiques et antioxydantes, les tannins sont indispensables aux plantes. Ils leur permettent de consolider leur structure et s'élever à la recherche de la lumière, de se prévenir de ses prédateurs (pour lesquels les tannins en haute dose sont toxiques). Bref, les tannins sont indispensables au monde végétal.

R. Demeizeris constate en 1888 que la résistance de la vigne au phylloxéra est améliorée si la taille a été effectuée dans les règles de l'art. Certainement à méditer aujourd'hui, où les maladies de bois se multiplient (l'esca notamment), la taille de la vigne (surtout quand elle est mal réalisée), la greffe oméga, sont autant d'entraves pour qu'un pied de vigne puissent bien lutter contre ces maladies. Il constate par ailleurs dans le même ouvrage, que les pieds marcottés, et donc non greffés et bien alimentés en sève, résistent bien mieux.

Dans son ouvrage 'D'une cause de dépérissement de la vigne et des moyens d'y porter remède (1887), R Dezemeiris élabore une théorie de taille très innovante. Taille sur le diaphragme du bourgeon suivant, pas de taille directement à même du sarment ou du cep, pour éviter toute perturbation du flux de sève. Je recommande fortement la lecture de cette ouvrage érudit et d'une grande modernité. Nos vignobles souffriraient certainement moins des maladies de bois, si ces principes datant de plus d'un siècle étaient aujourd'hui parfaitement compris. Mais malheureusement, la taille est encore souvent un parent pauvre, délaissée à quelques prestataires externes, ayant pour seul objectif la productivité, au détriment de la pérennité du pied. A lire donc... https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k96286649/